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Lire à la loupe
13 avril 2012

Mais où me mettre ?

Les vacances d’été de mes années de mariage se sont toutes passées à Maz…, un hameau de trois fermes dispersées sur le plateau de Haute-Loire. Ma belle-mère y possédait une maison de maître entourée de dépendances, et elle y accueillait ses trois enfants augmentés peu à peu de petits-enfants. Un beau-frère aussi, parfois. Nous avons ainsi été jusqu’à seize à table. J’ai assez dit mon besoin de solitude. Là, il m’était impossible de m’isoler. D’abord « cela ne se faisait pas ». Et puis, où me mettre pour me trouver un peu à l’écart ?

En dehors des repas, l’usage était de se réunir dans la cour devant la maison. Le dernier né couinait dans son parc, les enfants plus grands poussaient la barrière et jouaient juste de l’autre côté, devant la ferme, au milieu des bouses de vaches et des crottes de poules. Les adultes, assis dans des chaises longues, faisaient cercle autour du parc en admirant l’héritier vagissant. Quand il pleuvait, les enfants se réfugiaient dans l’étable (encore plus de bouses collées aux pantalons), les adultes dans la cuisine.

Là commençait l’autre problème : l’absence de lumière. Ces maisons construites sur le plateau ont des fenêtres minuscules qui empêchent les froids rigoureux de l’hiver de pénétrer à l’intérieur. A cela s’ajoutait la hantise du beau-père d’être vu de l’extérieur. Sa solution, des ampoules de vingt watts. Lire dans la pénombre, c’était exclu, tricoter (moi spécialiste des jacquards et points compliqués) était une prouesse dont je n’étais même pas fière, envahie que j’étais de fureur ravalée à grand-peine.

Des ampoules de vingt watts, c’était la règle partout. Allez donc torcher un gamin dans un WC (au nord) plongé dans une quasi obscurité… La salle d’eau, idem. Les chambres à coucher (ah, se réfugier dans la retraite silencieuse de sa chambre pour y lire pendant des heures, quel beau rêve !) même topo. J’avais bien songé à changer en douce l’ampoule près du lit, mais mon mari m’en avait dissuadée, cette initiative téméraire risquait de provoquer un drame.

Il y avait au premier étage un vaste et superbe salon, beau parquet, meubles Napoléon III, doté d’une bonne exposition, donc on y voyait normalement. Mais cette pièce était réservée au beau-père qui s’y enfermait pour rédiger des conférences. Interdiction de le déranger. Une belle-fille assise dans un coin avec un livre sur ses genoux, ça aurait probablement fait désordre, déconcentré le Professeur… Interdiction d’autant plus cruelle lors des vacances de Pâques, avec froid perçant dans toutes les pièces, sauf là, dans ce salon chauffé grâce à deux radiateurs à bain d’huile (la recherche intellectuelle nécessite la chaleur, tandis que le tricot, la cuisine, les jeux d’enfants, non). Souffrant d’engelures, je me résignais à m’empiler au milieu des autres, tous les autres, dans la cuisine, si vaste que le seul coin chaud était près de la cuisinière à bois… mais je gênais quand ma belle-mère se mettait à préparer un repas. Et je me résignais aussi à supporter les disputes continuelles entre le beau-frère et sa femme, les cris des enfants, les remarques coupantes du beau-père survenu à l’improviste.

La première année, j’avais espéré pouvoir partir me promener en emportant un livre, m’asseoir sous un arbre, goûter un peu de tranquillité. Mais je n’ai aucun sens de l’orientation, à peine avais-je fait cinq cent mètres que j’étais perdue, tous les champs se ressemblaient, l’angoisse montait, comment ensuite retrouver le chemin du retour ?

Il me restait la salle à manger, occupée presque entièrement par une immense table ovale, mais où deux petits fauteuils se lovaient devant l’étroite fenêtre. Je m’y installais parfois, un peu gênée par les restes de puanteur du poêle à pétrole allumé pendant les repas (action illusoire, point de chaleur mais odeur garantie), un peu culpabilisée de me faire remarquer (je faisais bande à part !) mais savourant malgré tout ce semblant de retraite ponctuelle.

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Commentaires
M
Moi, je pense que j'aurais aimé malgré tout car je me serais arrangée coûte que coûte pour m'organiser autrement, quant aux lumières basses dans la chambre beau père ou pas j'aurais changé la lampe quand je lisais et remis la lampe après ma lecture, il n'y aurait rien vu, je suppose qu'il n'entrait pas dans la chambre quand vous y étiez. Etant donné mon caractère je suis certaine que j'en aurai fait un jeu de contrarier les habitudes inscrites et intouchables pour améliorer mon confort. bises<br /> <br /> manouedith
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