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9 juin 2012

La jolie campagne.

C’est une fille des villes. Son amoureux l’emmène chez ses parents. Faire connaissance. Une visite incontournable.

La campagne, elle ne connaît pas. Elle imagine une maison genre dame Tartine, un toit pointu, un porche arrondi entouré de fenêtres garnies de rideaux de dentelle, une cheminée surmontée d’un nuage en panache. Autour, des arbres, une barrière blanche et des massifs de fleurs rouges.

- Tu verras, le pays est magnifique. Quand j’étais gamin je pouvais courir à travers champs, pas de voitures, le calme absolu… Je t’emmènerai à la pêche, je t’apprendrai…

L’homme de sa vie a le regard embué quand il évoque le paradis de son enfance. En route pour le paradis.

Il est en effet au milieu de nulle part. Nos fiancés ont quitté la route, et avec elle la civilisation. La voiture cahote entre les fondrières laissées par la dernière pluie, et de chaque côté du chemin de terre, en lieu et place de bosquets verdoyants, des champs désolés s’étendent à perte de vue.

- C’est joli ces herbes vertes, dit-elle pour masquer sa déception.

- Des herbes vertes ! Va dire ça à mon père ! C’est du blé, voyons !

Le chemin s’incurve et passe devant une ferme basse, des poules et des dindons agitent leurs pattes dans un sol boueux, et d’une étable sombre filtrent des meuglements sinistres. Une odeur de purin assaillit la jeune citadine lorsqu’elle sort de la voiture. Sa voix s’étrangle :

- C’est là ?

- Mais non ! Ici ce sont les Ruquier.

- Qui ?

- Les métayers. Nous, c’est là.

D’un bras orgueilleux, il désigne une longue bâtisse aux murs épais et aux fenêtres étroites. Entre la ferme et la « maison de maître », eh oui c’est le nom de ce qui ressemble à une prison, il n’y a que l’étable.

- Autrefois, vois-tu, on ouvrait les portes creusées dans les murs et la chaleur des vaches chauffait la maison.

Elle frissonne, soulagée d’avoir échappé à cette préhistoire.

Les futurs beaux-parents sortent au devant d’eux, on se congratule, quel plaisir, nous avons si souvent entendu parler de vous, installez vous, la chambre jaune, elle donne sur les prés, vous verrez…

Elle a déjà vu. Elle ne va plus cesser de voir. L’absence de salle de bain. L’eau courante, certes. Froide. Dans la grande salle au sol de pierre, on gèle le soir. Où se trouvent donc les radiateurs ? Absents. La cuisinière de fonte chauffe la cuisine. Dans les chambres, on se pelotonne sous des édredons de plume.

- Tu verras, tu t’habitueras vite. Demain, je t’emmène aux champignons.

C’est un mauvais moment à passer. Hélas, il faudra souvent revenir. C’est un paradis pour les enfants. Les futurs enfants.

 

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Commentaires
A
Non alors non! Joliment description des lieux mais lieux inhabitables pour une pauvre citadine à qui il faudrait beaucoup beaucoup d'amour pour y vivre!<br /> <br /> TU décris bien la chose...<br /> <br /> Brou! j'ai froid!
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