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12 décembre 2011

Les mots vides.

Souhaiter la « bonne année ». Une corvée dès que j’ai su écrire. Tous les ans, une lettre à la tante Marguerite qui habite à Carnac, une lettre à la tante Hélène qui habite aussi à Carnac (mais chacune la sienne), une lettre à la tante Claire qui habite à Quimper. Trouver quoi leur dire, pas tout à fait la même chose, ce ne serait pas bien. Des tantes que je ne voyais quasi jamais, mais que j’embrassais « de tout mon cœur ».

Il restait la tante Yvonne qui habitait à Paris. J’échappe à la lettre puisque nous allons lui rendre visite. Un après-midi entier à s’ennuyer dans un appartement sinistre, en embrassant tante, oncle, cousines âgées vues seulement à cette occasion annuelle, en répétant comme une litanie la formule consacrée, « bonne année ».

Je grandis, je continue à écrire, mais en plus long, ma mère y veille.

Je me marie. Je pars à Strasbourg. La liste s’allonge de la lettre à la tante Yvonne. Ma mère vérifie que je m’y consacre à temps. Me téléphone :

- Tu  as bien pensé à souhaiter la bonne année à…  ? Ça leur ferait tant de peine si…

Elles se croient toutes obligées de me répondre (en plus court) avec des formules aussi creuses que les miennes.

J’entre à l’Education nationale. Pas de lettres, sauf, incontournable, la carte de visite au proviseur pendant les vacances de Noël, pour montrer son respect et sa bonne éducation. Il  remercie oralement le jour de la rentrée de janvier, pendant qu’il faut faire le tour de tous les collègues, sympas ou pas, bises, « bonne année bonne santé ». Ne pas oublier l’administration, intendant, secrétaires, surveillants, femmes de ménage. On y passe les récréations de deux jours.

Après ça comment y mettre le moindre sentiment ? C’est parfois l’occasion d’écrire une longue lettre (plus tard un long mail) aux amis éloignés… mais pourquoi attendre le 1er janvier ? Pourquoi pas un autre jour de l’année ? Je me plie au rite pour ne pas me faire remarquer.

Les formules débitées mécaniquement pullulent aujourd’hui. La malheureuse caissière du Franprix me dit « bonjour » sans regarder à qui elle s’adresse, elle est déjà en train d’attraper mes premiers achats pour les scanner. Je paie, je l’entends me dire « bonne journée », pareil, dans le vide, elle a le regard fixé sur le tapis où la suite de sa tâche s’amoncelle. Pauvre fille, les « bonjour » et « bonne journée » font partie de ses consignes. Je suis polie, je lui réponds, je la plains.

 

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Commentaires
A
Salut! (mais je le pense sérieusement à te dire bonjour = salut!)<br /> Tu as bien raison... c'est pour cela que les vrais indifférents envoient à "tous" (liste prévue d'avance) leurs"bons voeux", en s'en foutant complètement.<br /> Bises<br /> Gigri
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  • un aperçu de ma passion pour l'écriture : des nouvelles, des récits courts, des anecdotes autobiographiques, l'aventure de mon premier roman, mes ateliers d'écriture, des souvenirs de vacances en Bretagne, des citations, mes lectures
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