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4 avril 2012

Prise en otage.

Le jour où mon ex-mari décida d’acheter un bateau fut pour moi un jour néfaste. Il m’expliqua longuement, non pour me persuader de l’intérêt de cet investissement important, mais pour s’en persuader lui-même, que des vacances à naviguer seraient un vrai bonheur. Le bateau, cinq couchettes, correspondait parfaitement à notre famille de trois enfants (pas plus excités que moi à l’annonce de la merveille). L’achat se répartissait entre trois hommes. Le cousin nîmois serait propriétaire pour la moitié : normal, il habitait près de la mer, et puis, détail non négligeable, il était le seul à savoir naviguer. La seconde moitié serait partagée entre mon ex et son frère.

Il y eut un long week-end d’apprentissage entre hommes, à la Pentecôte je crois, pour une initiation rapide qui permettrait aux deux novices de se familiariser avec les bases de la navigation afin de promener l’été leurs petites familles respectives une ou deux heures non loin de la côte. Mon ex-époux revint épuisé de sa période d’essai, il avait eu le mal de mer en continu.

Août arriva. Nous louâmes un appartement au Grau-du-Roi, le frère fit de même, et l’utilisation du bateau se fit en alternance. Pas d’enfants à bord dans un premier temps, et j’appréciai mon tour de garde, cinq petits (de six à douze ans) à surveiller sur une plage était dans mes cordes. Pendant ce temps les deux frères transmettaient à l’épouse invitée à bord les notions qu’ils avaient récemment acquises. Ma belle-sœur avait un caractère réservé et je ne sus jamais à quel niveau se situait son enthousiasme.

De mon côté je n’osai pas aussitôt marquer mon désintérêt pour un sport bien éloigné de mes envies. Dès ma première sortie on me mit au travail : barrer par temps calme était un jeu d’enfant me dit-on. Cela semblait simple, il suffisait de regarder une aiguille se déplacer sur un cadran, et se contenter de s’adapter aux mouvements de la dite aiguille. Enfantin en effet. Sauf que mes problèmes de vue m’empêchaient de voir la fameuse aiguille sur un cadran situé à au moins deux mètres de mes yeux, pourtant équipés de lunettes. On se résigna, je me consacrerais au maniement des voiles. Hisser une voilure, enfantin aussi, on tire sur une corde et la voile monte le long du mât jusqu’à ce qu’elle atteigne le sommet. Ce qui n’avait pas été prévu, c’est que mes muscles n’étaient pas assez puissants pour arriver au sommet. Je calais avant, bien que m’arc-boutant sur la corde et me suspendant de tout mon poids (mes 46 kilos étaient insuffisants). Rien n’y faisait, un des hommes devait venir à la rescousse pour achever le travail.

La semaine suivante, quand les enfants eurent fait comprendre qu’ils préféraient rester jouer sur la plage, je me dévouai à les garder sur la terre ferme et abandonnai les joies de la navigation à ma belle-sœur. Elle au moins participait. A bord je ne savais comment m’occuper, je m’ennuyais. Ce bateau était une prison où la limitation de l’espace m’étouffait. Je ne pouvais échapper à cet enfermement, sinon en sautant à l’eau.

Provocation involontaire, j’étais la seule à avoir le pied marin. Mal de mer, connais pas. Le jour où il y eut un vrai vent, on me suggéra de descendre un instant dans la cabine, je gênais les manœuvres. Je m’allongeai sur une couchette, pris un livre et m’installai pour une heure enfin heureuse. Plongée dans un roman, le manque d’espace n’était plus un obstacle. Bercée par les coups de roulis, j’étais à mon affaire, et quand j’émergeai enfin sur le pont, je vis que mon ex-mari était vert. Mon air guilleret fut mal accueilli. Ce fut mon dernier après-midi sur le bateau.

 

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Commentaires
R
C'est parfait ! Tu as bien manoeuvré pour ne pas te laisser mener en bateau ! Et parmi les enfants gardés sur la plage, il y avait sans doute...la "tite Annick" !!!!! plouf plouf !!!
M
J'adore ce billet. Ah ! les hommes quand ils ont une envie, ils font tout pour la réaliser, le mien voulait un canoë et pas n'importe lequel fait sur mesure à l'image de ceux du Canada, moi en revanche j'aurais préféré un petit bateau à moteur pour me promener sur les lacs de la région, non il lui fallait son canoë dont il est fier, on l'emmène partout l'été au risque de doublé l'essence de la voiture, je n'y suis montée que deux fois et la dernière fois j'ai pris un de ces bains revoir sur mon blog en octobre dernier; Alors je compatis pour toi.<br /> <br /> manouedith
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