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2 août 2012

Un été pourri.

Mado a sorti le pansement. Marc l’a mouillé avec le mercurochrome. Et l’autre qui hurle, Je veux pas, ça va faire mal ! Une chochotte, ça saignait presque pas, à croire qu’il avait juste envie qu’on me gueule dessus. Ses parents, ils le surveillent grave ! Attention, ils lui répètent tout le temps. Et à moi, que c’est de ma faute, que j’aurais pas dû aller sur les rochers avec lui, il est trop petit, tu comprends ? Il était content, lui, sûr. Un méga crabe, avec des pinces… même que mon doigt… le salaud ! Je l’avais sorti de son trou avec un crochet que j’avais trouvé derrière une cabine pourrie. L’autre, le chouchou à sa mère, il fait trop son fier de venir avec moi quand tout va bien. Mais s’il se rétame sur les algues, avec les rochers dessous, là il tire la tronche. Bon, il a glissé. A plat ventre le con, j’le crois pas ! Il se tenait le genou, gueulait Môman ! Gonflant, j’te dis pas ! Mado a speedé tout de suite, lâché son bouquin dans le sable, fourré son môme dans ses bras. Pas contente.

Déjà qu’elle me prend en vacances, je devrais être gentil, raisonnable et tout. Moi je l’ai pas forcée. La maîtresse m’a dit que j’avais du bol, des gens qui pensent aux autres enfants et tout, c’est mieux que se retrouver en colo. Mieux qu’en colo ? ça me fait marrer. Marc il dit Au lit à 10 heures, et Mado jamais elle en fait des frites. A la colo y en avait tout le temps des frites. Et de la purée mousline géniale. Sa purée, à Mado, elle est dégueu, avec des bouts dedans, à gerber.

Maintenant il fait son intéressant avec un pansement, comme s’il était allé à l’hosto. Et Mado qui fait : Vous restez bien tranquilles, c’est d’accord ? Il veut jouer aux petits chevaux. Un jeu débile. Il se la pète parce qu’il sait compter. A cinq ans. Moi, à cinq ans, je savais ouvrir la porte de l’armoire fermée à clé. Celle où la mère range le chocolat et le lait en tube, celui qui coule dans la bouche tout sucré. C’est Kevin qui m’a montré. Un bout de fil de fer, c’est fastoche. Kevin me montrera d’autres trucs, il m’a promis.

Les petits chevaux, c’est vraiment grave. Compter ça me prend la tête. Pas la peine d’être en vacances si c’est aussi pire qu’à l’école. Mais Marc et Mado ont dit Vous jouez gentiment, le temps que le genou y s’y catrise. Chez moi je descends dans la rue. Pas la mère sur le dos. Ici ils sont deux, ils me collent. Si ça continue je me casse avant la fin.

Les pique-niques c’est un truc nul. Du pain avec quelque chose dedans. Moi j’ai ça tous les soirs, pâté ketchup. Ou mayonnaise en tube, encore mieux. La mère quand elle rentre elle dit qu’elle est trop naze pour faire à manger. Je savais pas qu’on mangeait chez nous comme chez les riches. Mais nous, au moins, on met la télé. Ici ça rigole pas, faut un coin avec de l’herbe, une couverture par terre pour pas se salir, Mado elle regarde le ciel et dit Comme c’est beau la nature ! Marc fume sa clope, Une seule mon chéri, tu m’as promis d’arrêter, et puis il pionce. Moi je sais pas quoi foutre, je dis On va aller faire une cabane. Mado fait encore chier, Ne vous éloignez pas trop, promis ?

Avec leur pique-nique à la con, on a raté le noyé. Les gens en parlaient à la pharmacie où on s’est arrêté le soir, acheter des nouveaux pansements. Faire des réserves au cas où. Déjà que la cabane on avait pris des risques. Marc a dit Faut bien qu’ils s’amusent. Le noyé ç’aurait été super mieux. La sirène, les pompiers sur la plage, tout comme dans Urgences à la télé. J’ai dit Moi je voudrais voir un noyé. Mado a dit C’est pas un spectacle pour les enfants.

Il en a eu marre des petits chevaux, et du 1000 bornes, et de ses autres jeux débiles, il a dit mon genou ça va. Mado a dit Fini de chercher des crabes, vous restez près de la petite piscine, tiens, viens mettre tes flotteurs. Il a l’air malin, le bouffon, avec ces trucs orange autour des bras. On a passé la rangée des parasols où les filles se font cramer les nénés à l’air, avec les mecs qui leur tartinent de l’huile dessus en se marrant. La piscine, de l’eau même pas aux genoux, juste bon pour des petits de cinq ans. C’est nul. Je me suis assis sur le rebord, quoi faire ? J'ai pissé dedans, pour voir. Plein de mômes sont remontés vers la plage. Pas l’aut’bâtard, trop fier avec ses brassards. Je lui ai dit Je te montre un nouveau jeu, couche-toi dans l’eau. Il a hésité, je l’ai un peu poussé, il a essayé de se relever. Mais si c’est drôle, tu vas voir. J’ai mis mon pied sur sa tête. Pour rire. Comme le jeu du foulard dans la cour à l’école, quand le surveillant regarde pas. Lui il connaissait pas le jeu, il bougeait, alors forcément j’ai dû appuyer plus fort, mais il arrêtait pas de gigoter, avec ses bras et les flotteurs orange qui s’agitaient au-dessus de l’eau. Il trichait, c’était plus drôle. J’ai dit bon, moi je joue plus tu triches trop. Je l’ai lâché. Mais il bougeait plus, même ses bras s’étaient arrêtés.

C’est comme ça que j’ai quand même vu un noyé, cet été-là.

 

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Commentaires
A
Eh ben, j'ai relu l'histoire. Je n'ai plus ri du tout!<br /> <br /> Bien, très bien raconté cette histoire mais il y a tant de méchanceté...c'est plus drôle quand c'est méchant, c'est vrai! HItchcock l'a bien dit: "pour qu'une histoire soit bonne, faut qu'il y ait un très méchant." là, on est servi... <br /> <br /> Bises (et re-bravo!)<br /> <br /> Gigri
G
Mais si! C'est difficile de ne pas rire quand, même quand une histoire finit mal, on ne peut s'empêcher de rire parce que l'histoire est bien racontée!<br /> <br /> Bonne nuit (il est tard, j'espère que ton histoire m'empêchera pas de dormir. Elle m'a mise dans uj éteat!)<br /> <br /> GHigri
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