Ivresse grecque.
Pour varier les plaisirs (vos plaisirs de lecteurs du blog) j’ai décidé d’introduire une nouvelle catégorie : des anecdotes autobiographiques, que je rédigerai selon l’inspiration et la netteté de mes souvenirs, et sans tenir compte d’une quelconque chronologie. Bonne lecture !
Ivresse grecque.
J’étais en vacances en Crète avec une amie, à Réthymnon, et nous allions tous les soirs dîner sur une petite place dominée par une église. Un soir, pour changer, nous allâmes dans un lieu recommandé par un Grec, un restaurant sur une terrasse au bord de la mer, peu connu des touristes. Nous fûmes reçues avec de grands sourires : forcément, deux jeunes femmes encore appétissantes et joliment vêtues, dont l’une baragouinait le grec, il n’en fallait pas plus pour que les serveurs se disputent notre table. Nous prîmes une entrée, je ne sais plus laquelle, et à peine notre assiette terminée un serveur se précipita pour nous servir le même plat une deuxième fois. Comme j’expliquais laborieusement en grec que c’était très bon, mais qu’il devait y avoir une erreur, le serveur déclara avec un grand sourire : « C’est un cadeau ! ». Nous eûmes droit aux mêmes prévenances avec les brochettes, puis avec le dessert. Nous aurions peut-être bien supporté ce copieux festin, délicieux au demeurant, mais les cadeaux ne se bornaient pas aux plats, mais aussi au vin… puis au raki… Combien de litres d’alcool avons-nous ainsi ingurgité ? Vint le moment d’aller évacuer ce trop plein. Nous nous regardâmes un peu inquiètes : Allions-nous arriver à marcher droit jusqu’aux toilettes, à l’autre bout de la terrasse ? J’envoyai d’abord mon amie faire l’expérience. Je la regardai avancer lentement, elle ne s’en sortait pas si mal que ça. Elle revint, me disant qu’il y avait des marches, c’était vraiment dur…
C’était mon tour. Ma tête tournait, mes jambes flageolaient, et je n’avais encore fait que me dresser debout. Comment traverser l’espace entre les tables ? Je me lançai le corps en avant, trois pas, puis fit mine de m’appuyer sur le bord d’une table, comme pour réfléchir un instant. Ses occupants bavardaient et ne semblèrent pas remarquer mon manège. Puis je pris à nouveau mon élan, trois pas, appui sur la table suivante, arrêt pour reprendre mes esprits. Je voyais à peine clair, tout tournait autour de moi, et je craignais de rater un de mes appuis et de m’effondrer sur les genoux d'un convive ou pire, sur le gravier. Car le sol était, pour mon malheur, recouvert d'une épaisseur profonde de gravier sur lequel mes pieds malhabiles, chaussés de sandales à hauts talons, basculaient… Je progressai ainsi peu à peu jusqu’à un tournant, où je découvris l'entrée d'un petit couloir étroit qui me permettait de m’appuyer des deux mains aux murs. Quant aux fameuses marches, j’ai dû planer par dessus, je ne m’en souviens pas. Une fois enfermée dans le lieu où j’échappais enfin aux regards, je me cramponnai au rouleau de papier pour garder mon équilibre, et je me souviens de la longue banderole se déroulant entre mes mains crispées. Le retour se fit de même, par petits sauts de puce d’une table à l’autre. Le retour à l’hôtel eut lieu en nous appuyant aux murs des jardins pour ne pas tomber. L'excellent souvenir que j'ai gardé de cette soirée m’a autorisé d’autres excès…
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