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Lire à la loupe
2 novembre 2011

Le Club des Mouettes.

plage de la comtesse 3Un été (mon père avait été très malade) mes parents durent rester à Paris en juillet. Ma grand-mère nous inscrivit alors au Club des Mouettes, où un professeur de gymnastique donnait un cours aux plus grands, tandis qu'une jeune fille, Mado, s'occupait des petits. Ce Monsieur T. surveillait ensuite la baignade, et gardait les enfants jusqu'à midi autour d'un portique où chacun pouvait s'exercer aux agrès ou jouer dans le sable. L'après-midi, il y avait des jeux, des courses de relais, des compétitions, et des prix. Monsieur T. était un professeur d'éducation physique de la vieille école. Il avait des attitudes d'adjudant-chef et nous faisait évoluer avec une discipline toute militaire. Il portait autour du cou un sifflet dont il se servait abondamment, quand il ne hurlait pas ses ordres. Mais il n'était pas méchant, et nous nous contentions de paraître de bons exécutants. A la fin de chaque cours, il distribuait à chacun un vieil exemplaire de Cœurs Vaillants dont un angle avait été massicoté. Il en avait des piles impressionnantes dans sa cabine, ainsi que des tas d'objets publicitaires qui lui servaient de prix pour les compétitions qu'il organisait. Je prenais ces jeux très au sérieux, j'étais rapide, vive, nerveuse, et je gagnais souvent. J'en étais fière, bien plus que de mes bonnes notes à l'école !

Le journal Le Figaro organisait ses premiers concours de châteaux de sable, et je gagnai le premier prix grâce à la minutie que j'apportais en tout. Au début du mois d'août mes parents arrivèrent à Saint-Quay. Mon père fut emballé par ces concours et commença, sans nous demander notre avis, à nous aider en imaginant des slogans, en dessinant sur le papier le projet qu'il s'agissait ensuite de réaliser sur le sable, avec des coquillages trouvés à marée basse. Il se prit tellement au jeu que les années suivantes, il y réfléchissait dès que les sujets paraissaient dans le journal. Je me souviens que nous avions, dans une boîte de camembert, des « couteaux » taillés sur mesure pour tracer sur le sable des lettres calibrées. Le mot Le Figaro était prêt à l'avance dans sa propre boîte. Mon père visait la perfection, et mon frère et moi - nous étions dans des catégories différentes - avons raflé tous les premiers prix pendant plusieurs années. Des gens sifflaient quand on proclamait les résultats, parce que leurs enfants n'avaient aucune chance. Nous rêvions d'arrêter, mais nous n'avons jamais osé le dire. J'ai été soulagée quand j'ai eu quinze ans : j'avais atteint la limite d'âge.

Pour éviter toute fatigue à mon père, ma mère acheta une cabine qui fut placée à la suite de celles qui étaient déjà sur la terrasse. Nous y avons entassé des transats, des fauteuils pliants, nos pelles, des ballons, tout un fourbi qui encombrait l'espace. Nous y laissions nos maillots et nos serviettes de plage, qui ne séchaient pas car il y faisait humide. Mais la cabine a représenté un confort certain - il y avait même un miroir, et un petit placard dans un angle - et mes grands-parents sont alors souvent venus « faire salon » sur la terrasse. Ma mère avait son fauteuil attitré et tricotait sans arrêt. Mon père était dans son transat et observait tout autour de lui. Nous nous sommes dès lors sentis très surveillés.

Nous sommes restés inscrits au Club. C'est au mois d'août que Mado, l'assistante de Monsieur T., créa un cours de danse en fin d'après-midi. La barrière blanche de la terrasse servait de barre. A la fin du mois, l'ensemble du club se produisit devant des parents attendris. La représentation eut lieu dans l'arrière-salle d'un café sur le port qui faisait office de salle de bal le samedi. Il y eut des démonstrations d'ensembles de gymnastique, et deux enchaînements de danse rythmique. Nous avions toutes des tutus de papier crépon blanc, et une fleur dans les cheveux.

 

L'été suivant je retournai avec plaisir au Club des Mouettes. J'appartenais à une petite bande, la même que l'année précédente. Les parents de ces enfants possédaient une maison, ou venaient tous les étés dans la même location. Après le goûter, quand nous n'étions plus sous l'autorité de Monsieur T., nous organisions des parties de gendarmes et voleurs au cours desquelles nous escaladions à toute allure les escaliers des nombreuses terrasses qui surplombaient la plage. Quand nous étions enfin fatigués, nous nous installions sur des pliants, devant les cabines de nos parents, et nous jouions aux cartes. J'avais trouvé des partenaires qui m'avaient initiée à la belote (chez moi, c'était le bridge ou rien).

J’allais quelquefois, en fin d'après-midi, chez une fille plutôt casse-cou qui habitait une grande maison dominant la plage. Nous jouions à grimper dans les immenses pins du jardin, à des hauteurs vertigineuses.

 

Encore un été. Je continuai à gagner les concours de châteaux de sable, à me distinguer aussi dans les jeux sportifs, et à faire de la danse avec Mado qui était de nouveau là.

Ses élèves étaient plus nombreuses, plus motivées, et Mado se montra ambitieuse dans la préparation de son spectacle. Elle rêvait de beaux costumes, marquis et marquises, mais c'était peu raisonnable et elle se contenta de demander aux mamans de coudre de vrais tutus en tulle, avec des corselets de satin blanc.

Pour le défilé des chars fleuris auquel participait le club, Mado avait imaginé d'illustrer le conte de Barbe Bleue, et nous avait choisis, mon meilleur ami et moi, pour figurer Barbe Bleue et sa femme. Lui, affublé d'une barbe qui lui tenait chaud, brandissait un couteau de carton au-dessus des têtes des sept enfants, tandis qu'à genoux devant lui, je tendais des mains suppliantes pour l'attendrir.

En grandissant, nous mettions moins d'enthousiasme au cours de gymnastique du matin, mais certains jeux de l'après-midi nous plaisaient encore. J'excellais au jeu de « Jacques a dit », et je me serais sentie déshonorée si j'avais été éliminée.

Le jeu du diabolo envahissait les plages. Chacun rivalisait d'adresse, celui qui lance son diabolo le plus haut, celui qui comptabilise le plus d'envois, en tournant sur soi, les yeux fermés même, nous augmentions sans cesse la difficulté.

 

 

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Commentaires
A
De très bons souvenirs mais je ne les partage pas, hélas, car je n'avais pas la chance d'avoir des grands parents ni des parents mais seulement une maman qui n'avait pas les moyens, hélas, d'avoir tout ce que tu nous décris si joliment. Mais quel plaisir de te lire quand tu évoques ce que j'apercevais de loin avec envie. Oui!<br /> Je t'embrasse "Lire à la Loupe".<br /> Tu vas bien?<br /> Gigri
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